L'ultime mission de l'OSC

L’Œuvre Israélite des Séjours à la Campagne (dite OISC ou OSC) a été fondée en 1902 à Paris, succédant alors à l’Œuvre Israélite des Colonies Scolaires. L’organisme est reconnu d’utilité publique en 1910.

Cette même-année, selon le rapport présenté à l’assemblée générale de février 1911, l’Œuvre a accueilli 790 enfants et adolescents sur quatre centres. Soit un total de quelque 34 000 journées. En moyenne, chaque jeune passe donc une quarantaine de jours dans ces colonies de vacances où, précise encore le rapport en substance, l’environnement rural et de saines activités lui permettent de se refaire une santé…

Le contexte des années 1930 induit une évolution de l’activité de l’OSC qui ne possède plus que deux centres : le Séjour de Voisins à Louveciennes (dans l’actuel département des Yvelines) et le château de Maubuisson à Saint-Ouen-l’Aumône (Val-d’Oise). Cependant, le plus notable est que les enfants pris en charge ne le sont plus seulement durant les vacances. En raison de la précarité de nombre de familles installées récemment en France en provenance notamment de Russie et de Pologne, ils sont pour beaucoup accueillis à temps plein. Selon nos recherches, le phénomène s’est même accru avec les mobilisations de 1938 et 1939 et le fait que des pères aient rejoint les rangs des régiments nouvellement créés d’Engagés Volontaires Étrangers voire de la Légion.

Louveciennes : le séjour de Voisins

En 1940, la présidente de l’OSC est la baronne Noémie de Rothschild (1888-1968) et la secrétaire Yvonne Lévy-Engelmann.

Dès le début du siècle, les membres de la famille de Rothschild figuraient parmi les principaux « bienfaiteurs » de l’Œuvre. L'OSC, cependant, ne survivra pas à la guerre.

Le départ

10 mai 1940. Après plusieurs mois de « Drôle de guerre », l’armée du III ème Reich attaque la France en violant la neutralité belge. Comme en 1914. C’est la percée de Sedan. Les Allemands ont contourné la ligne Maginot. Et l’État-major français, comme des centaines de milliers de soldats, découvre avec stupeur l’efficacité de la Blitzkrieg.

La population civile est également terrifiée. Des millions de familles, hommes, femmes et enfants de tous âges du quart nord-est du pays doivent quitter au plus vite leurs foyers. Voici le temps de l’exode… A pied en tirant des charrettes, en automobile ou camion (pour les plus chanceux), ou encore en train, avant que les voies ne soient détruites.

On estime que huit millions de personnes ont fui, pour la plupart à destination de localités du littoral atlantique ou du sud-ouest, comme l’avaient prévu les services de l’État. A l’exception des ouvriers de quelques industries (comme les mineurs du Nord ou de Lorraine, qui rejoignent les bassins miniers du Forez ou des Cévennes), les habitants de chaque commune sont censés être accueillis dans une commune d’accueil. Les Ardennais, par exemple, rejoignent tant bien que mal la Vendée et les Deux-Sèvres.

« Et entre le 3 et le 14 juin, la panique gagne rapidement les Parisiens dont les trois quarts décident de s’éloigner au plus vite », selon le Musée de la Libération de Paris.

Les enfants et leurs encadrants du Centre de Louveciennes de l’Œuvre israélite des Séjours à la Campagne doivent aussi quitter leur établissement.

Rencensement de la population de Mercuès en 1926 : le professeur Faure est domicilié au château de Mercuès. Archives départementales du Lot,  AD46-6M277.

Grâce aux sœurs Suzanne et Yvonne Lévy-Engelmann et à la bienveillance du Pr Jean-Louis Faure (éminent chirurgien qui l'a acquis avant la Première guerre), les responsables de la petite colonie pensent pouvoir s’installer au château de Mercuès.

L’enfant Félix Transport, qui fêtera ses 10 ans le 20 juillet 1940, se souvient du départ. De la guerre, il ne savait encore rien, sauf que des masques à gaz avaient été installés dans le centre. Une consigne de la Défense civile qui n’eut pas à être mise en œuvre mais qui avait impressionné les jeunes pensionnaires.

Les quais bondés de la gare d'Austerlitz au moment de l'exode. Plus aucun train ne quittera la capitale à compter du 11 juin 1940. Photo Musée de la Libération de Paris.

Puis, un matin de juin… « Nous avons tous été emmenés dans un bus, nous devions être deux douzaines de gosses avec quelques gouvernantes et nous sommes arrivés à la gare, à Paris. Et je me souviens très bien que la gare était bondée. Elle était pleine de monde et au moment de monter dans la wagon qui nous était réservé, il était déjà occupé par des voyageurs... Et donc ils (les encadrants et agents de la SNCF, je ne sais plus) ont dû faire venir la police ou d’autres responsables pour libérer les places et que nous puissions nous installer... »