Marie Sztanke

Marie Sztanke, née à Paris (12e) le 20 mars 1933, décédée assassinée à Auschwitz le 15 février 1944.
C’est une façade qui détonne presque dans ce quartier dont une partie comprend désormais les hautes tours abritant le « Chinatown » parisien : au numéro 100 de l’avenue de Choisy, l’immeuble ne compte que deux étages et, officiellement, quatre logements. Sans compter, au rez-de-chaussée, un local professionnel. En l’occurrence, de nos jours, un cabinet d’ophtalmologie.
L’immeuble a été bâti en 1904. En 1939, y réside la famille Sztanke.
Il n’est distant que d’un kilomètre de l’école primaire de la rue de la Providence. C’est dans cet établissement public qu’au début de l’année 1944 Marie Sztanke suit sa scolarité. Le bâtiment des garçons est au numéro 5, celui des filles au numéro 7. Depuis novembre 2009, ont été apposées deux plaques rappelant les noms et prénoms des élèves de l’école ayant été arrêtés, déportés puis assassinés de 1942 à 1944 parce que « nés juifs ». Ils furent plus de 200 qui étaient domiciliés dans le seul 13e arrondissement (sur quelque 11 400 enfants ayant été arrêtés sur le sol de France, la plupart par des policiers ou gendarmes français).


Un jour de février 1944
Marie est arrêtée au tout début du mois de février 1944 en compagnie de sa maman, Czypa Sztanke née Grzybek (née le 18 mai 1899 à Varsovie). Si sa mère est de nationalité polonaise, Marie, en revanche, née à Paris en mars 1933, est considérée de nationalité française.
Elles sont toutes deux enregistrées au camp de Drancy le 4 février.

Moins d’une semaine plus tard, le 10 février, elles sont déportées vers Auschwitz via le convoi n° 68. Il s’agit de l’un des plus importants en nombre, puisque sont transportés 1500 hommes, femmes et enfants. Ils seront pour la majorité d’entre-eux (soit 1229 personnes) assassinés dans les 48 heures suivant leur arrivée, le 13 février. En 1945, ne seront recensés que 42 survivants, selon le Mémorial et les recherches de Serge Klarsfeld.
Elle a gravé son nom à Douelle
Marie Sztanke figure parmi les enfants pris en charge par l’Œuvre israélite des Séjours à la Campagne (OSC) dans son centre de Louveciennes au début de l’été 1940. Elle est arrivée à Mercuès avec les encadrants et les autres enfants à la mi-juin. Ses nom et prénom et sa date de naissance sont mentionnés dans le recensement des réfugiés tenu par la commune de Douelle à l’automne. Cependant, ces indications sont barrées d’un trait de crayon bleu, ce qui laisse à penser que Marie a alors été « rapatriée » vers Paris à la demande de sa famille fin 1940, voire début 1941.

Lors de son séjour à Douelle, Marie qui a déjà l’âge de raison suit parfois, avec ses camarades, les conseils en forme d’adage que signa, des décennies plus tôt, un certain Arthur Rimbaud : « On n’est pas sérieux quand on a 17 ans... » Alors, quand on n’en a pas encore la moitié… Ainsi, dans une pièce de la maison dédiée aux enfants, à Douelle, sur les pierres d’encadrement d’une fenêtre, elle inscrit son nom, son prénom. Elle les grave, plutôt. Et plus de 80 ans plus tard, ce prénom et ce nom sont toujours visibles. Gravés pour chasser l’ennui, par défi, par dépit, ou pour observer peut-être, inconsciemment, cette recommandation si souvent répétée par des parents séparés de leurs enfants en cette période noire : « N’oublie pas ton nom ! »

Son père engagé volontaire et prisonnier en 1940
Et son père ? Moszek Sztanke est né le 9 novembre 1906 à Pypin ou Rypin (Pologne). En septembre 1939, il intègre le 21e régiment de marche de volontaires étrangers (21e RMVE), comme en attestent les archives. Et il va combattre. A la date du 17 septembre 1940, son nom figure dans la liste officielle des prisonniers de guerre français que publient les autorités françaises « d'après les renseignements fournis par l'autorité militaire allemande ». Si l’on en croit le document, quand il a été fait prisonnier, Moszek (dit Maurice) Sztanke avait intégré le 21e RI (régiment d’infanterie). Une unité qui fut envoyée dans la Somme et tenta de freiner l’ennemi près d’Amiens du 27 mai au 7 juin. Le régiment entame ensuite une retraite ponctuée de combats (bataille de l’Oise du 10 au 12 juin, défense de la Loire). Quant survient l’armistice, le 21e RI a perdu 600 hommes. Les autres sont faits prisonniers…

On ignore à quelle date Moszek Sztanke rentre de sa captivité. Et par conséquent, où il se trouvait début février 1944 quand son épouse et sa file Marie sont arrêtées avant d’être déportées. Mais il a survécu à la guerre et à la Shoah.
Lors du recensement de 1946, il est toujours domicilié au 100, avenue de Choisy. Sa profession est mentionnée : tricoteur. Il y reste un certain temps, puisque dans plusieurs éditions de France-Soir, en 1949, 1950 et 1951, il publie une petite annonce pour rechercher une employée (mécanicienne ou surjeteuse expérimentée dans l’artisanat du tricotage sur machine).
Veuf, sans pour autant rien oublier de ses douleurs et de ses deuils, Moszek s'est remarié quelques années après la guerre. Parce que la vie est plus forte que tout. Il a eu deux enfants et s'est établi à Ivry-sur-Seine. Il est décédé en 1996.