Marguerite Goldenberg
Marguerite Goldenberg, née à Constantinople (Istanbul, Turquie) le 23 juin 1927.
Alors âgée de 13 ans, la fillette est mentionnée dans les registres tenus par la commune de Douelle à l’automne 1940. Elle est donc arrivée avec le premier groupe d’enfants venus se réfugier dans le Lot en juin 1940 sous l’égide de l’Œuvre israélite des séjours à la campagne. Et en décembre, son frère Marcel la rejoint, comme l'indiquent les mêmes registres.


Marguerite est la fille de Léonard Goldenberg, né le 14 novembre 1897 et de Doretta Goldenberg, née Zacum, le 16 juillet 1900. Elle a donc un frère aîné, Marcel, qui a vu le jour le 15 septembre 1923. Parents et enfants sont tous les quatre natifs de Constantinople.
Le père exerce la profession de représentant de commerce, ainsi que le précise le recensement la population de Paris réalisé en 1936 : on y apprend que la famille y est domiciliée au 15 rue de La-Tour-d'Auvergne, dans le 9e arrondissement.
C’est cette même adresse qui est indiquée dans le décret de « retrait de la nationalité » (française) du 6 juin 1941, publié au Journal officiel au 11 juin 1941.

Le dossier de la famille Goldenberg, parents et enfants a fait l’objet d’un « examen au cours de la séance n° 99 du 20 janvier 1941 par la commission 3 » (lire nos précisions ci-dessous). Les parents avaient été naturalisés par décret du 20 décembre 1936, publié dans le Journal officiel du 27 décembre suivant. Les enfants Marcel et Marguerite avaient été logiquement naturalisés en même temps que leurs parents…
Selon la fiche des archives nationales, les Goldenberg ont protesté juridiquement. Mais la demande de recours gracieux a été rejetée par décret du 29 décembre 1941.
Toute la famille, disons les choses crûment, retrouve dès lors le « statut » (pour reprendre la terminologie même du régime de l’État français), de « juifs étrangers ».
Il n’en est encore rien en 1940. Marguerite est alors une enfant comme les autres, au sein du petit groupe qui s’installe d’abord à Mercuès puis sur l’autre rive du Lot, à Douelle.
On retrouve son nom dans le registre établi en juillet 1941 après la mise en œuvre d’une nouvelle loi scélérate (le recensement des Juifs de tous âges établis en zone sud).
D'une famille Goldenberg à l'autre
Pour des raisons que l’on ignore, l’adresse parisienne de l’enfant est indiquée comme le 28 rue de Maubeuge, à Paris (9e). S’agit-il d’une erreur de la part des encadrants qui ont fourni les renseignements à la préfecture lotoise ? Et dans ce cas, l’erreur est-elle volontaire ? Toujours est-il qu’à cette adresse, il y a bien une famille Goldenberg recensée en 1936… Mais il s’agit de Gustave Goldenberg, né en 1865, de son épouse Marguerite (même prénom que l’enfant qui nous intéresse), née en 1857, tous deux « rentiers », et de leur fils Darius, né en 1904, agent dans une fabrique de tissus. Tous trois sont notés comme nés en Turquie. Difficile de penser que ces Goldenberg ne sont pas « parents ». Ont-ils, un temps, hébergé la petite Marguerite ? Surtout quand on connaît la suite de ce double itinéraire familial.
On ignore à quelle date précise « notre » Marguerite et son frère regagnent Paris et retrouvent les leurs. Vraisemblablement durant le second semestre 1941. Et à la fin de cette même année, quand le recours est rejeté et la « dénaturalisation » confirmée, l’étau se resserre.
Son père déporté à Auschwitz avec son oncle ou cousin
La famille Goldenberg de la rue de La-Tour-d’Auvergne et celle de la rue de Maubeuge vont décider en tout cas de se réfugier à Lyon.
En effet, Darius Goldenberg y est arrêté au printemps 1944. Il est alors domicilié au 26 cours Moraud. A la même période, Léonard Goldenberg, le père de Marguerite et de Marcel, est lui aussi arrêté. Son adresse lyonnaise était le 26 avenue de Saxe.
Les deux hommes sont transférés à Drancy et déportés par le convoi 76 du 30 juin 1944. Ils meurent l’un et l’autre aussitôt leur arrivée à Auschwitz.
Selon toutes les archives, les autres membres des deux familles sont épargnés.
Nous n’avons pas retrouvé d’autre trace ultérieure de ces différents adultes et enfants à l’exception du frère aîné de Marguerite. En effet, dans les fichiers de l’Insee recensant les décès de Français (en France ou à l’étranger), figure Marcel Marc Goldenberg Dit Brissac, né à Constantinople le 15 septembre 1923, décédé le 23 mars 2007 en Israël.
A ce jour, nous ne savons pas ce qu’est devenue sa sœur. Merci de nous aider !
Les dénaturalisations de Vichy
C’est par la loi du 22 juillet 1940 que l’État français décide de réexaminer toutes les naturalisations accordées depuis 1927. Au final, la mesure aboutit au retrait de la nationalité française à 15 154 personnes (hommes, femmes et enfants) sur des motifs essentiellement politiques et raciaux. La procédure fut annulée par l’ordonnance du 24 mai 1944. Source : archives nationales.
La loi de juillet 1940 répondait aux vœux d’une grande partie de la droite et de l’extrême droite qui accusait la loi de 1927 sur la nationalité d’avoir fait des « Français de papier ». Parmi les plus de 15 000 personnes concernées par la déchéance de nationalité, 902 hommes, femmes ou enfants furent déportés parce que juifs ou considérés comme tels. 388 retraits auraient été rapportés (annulés), et 651 440 personnes furent maintenues dans la nationalité française. Source : « Identifier, connaître et compter les victimes « absolues » de la dénaturalisation (1940-1944) », par Annie Poinsot et Bernard Raquin. Publié en 2019. Disponible en ligne.
Une grande partie des dossiers des 15 000 « dénaturalisés de Vichy » sont disponibles en ligne depuis 2019 après un considérable travail de numérisation. Le dossier de Marguerite Goldenberg et des siens n’est pas accessible au public en raison d’éléments non diffusables (sic).