Les enfants Behar

 

Jacqueline Behar, née le 18 février 1930 à Paris (12e), décédée le 28 mai 1978 à Paris (10e).

Jacques Behar, né le 17 mars 1934 à Paris (12e), décédé 9 janvier 1987 à Aubervilliers (Seine-Saint-Denis).

Ils ont tous deux été recensés à l’automne 1940 à Douelle, inscrits sur le registre des réfugiés. Ils figuraient donc parmi le premier groupe d’enfants qui s’est établi dans le Lot à compter de juin 1940 sous l’égide de l’Œuvre israélite des séjours à la campagne (OSC).

Leurs parents sont Moïse Behar, né le 17 avril 1889 à Constantinople, exerçant la profession de marchand ambulant, et Sarah Amar, née le 1er janvier 1897 à Salonique (Grèce). Ils s’étaient mariés à Paris (11e) le 16 septembre 1920.

Jacqueline et Jacques sont les plus jeunes d’une fratrie de cinq enfants. L’aîné est Léon (1921-1988). Puis est venue au monde Esther Fortunée, née le 10 décembre 1922. Est née ensuite Laurette, en 1923. Pour cette dernière, c’est ce qu’indique le recensement de 1936. La famille y est domiciliée rue Tourneux, dans le 12e arrondissement. On apprend par ailleurs sur le document conservé aux archives de la ville de Paris que les parents ont été naturalisés. En revanche, Esther Fortunée n’est pas mentionnée. Pour Laurette, il est noté qu’elle se trouve « en traitement dans le Midi » et pour Jacques qu’il est également « en traitement », mais en Seine-et-Oise.

Sur le registre de Douelle, le nom des enfants Behar est rayé signifiant qu'ils ont dû quitter Douelle fin 1940 ou début 1941.

A quelle date Jacqueline et Jacques Behar ont-ils quitté le Lot et regagné Paris ? Vraisemblablement avant l’été 1941 et le recensement des Juifs en zone libre. Ils ne figurent pas dans le registre tenu alors par la préfecture, à Cahors.

Dans la capitale occupée, ils vont vivre d’abord un événement heureux : leur sœur aînée Esther Fortunée (qui n’a pas encore 20 ans) épouse le 11 juillet 1942 en la mairie du 12e arrondissement Bernard Zilbermann, 27 ans, fourreur de profession. Le couple réside rue Decaen.

Leur sœur et son bébé déportés

Puis c’est le drame. Avec son époux et sa belle-mère, Esther Fortunée est raflée puis internée à compter de janvier 1943. Mais voilà : la jeune femme est enceinte. Elle est donc dirigée vers l’hôpital Rothschild : elle y donne naissance le 11 avril à une petite Claudine. Ce n’est qu’un répit dans l’horreur. Le 17 décembre 1943, les jeunes parents et leur bébé sont déportés depuis Drancy à destination d’Auschwitz par le convoi 63. La jeune mère et son bébé sont assassinés dès leur arrivée. Le père, Bernard, reviendra de l’enfer… Dans les archives du Mémorial de la Shoah, des documents précisent que plusieurs jeunes mères étaient dans la même situation que Fortunée et ont connu la même destinée. Une autre archive indique que les femmes enceintes changeaient de catégorie administrative : mais elles demeuraient bien « déportables ».

Leur maman meurt à son tour

Selon une autre source (*), alors que son épouse était hospitalisée, Bernard Zilbermann aurait participé à un incroyable projet d’évasion de Drancy, des dizaines d’internés ayant commencé à creuser un tunnel. Les Allemands ont fini par découvrir l’entrée dudit tunnel. La répression fut évidemment terrible…

Jacqueline et Jacques Behar sont frappés par un autre deuil (avant même, sans doute, de savoir que leur sœur ne reviendrait jamais…) : Sarah, leur maman, décède le 26 mai 1945 à l’hôpital Rothschild. Dans le même établissement où était née la petite Claudine.

Comment ces enfants ont-ils pu se relever après ces traumatismes ? Jacqueline s’est mariée en 1949 à Paris avec Jean Leroy. Mais elle décède alors qu’elle n’a pas 50 ans, au printemps 1978. L’acte de décès indique qu’elle était sans profession. Mais elle avait déjà tant souffert…

Quant à Jacques, il a épousé Jacqueline Le Roy à l'orée des années 1960 et a vécu dans le 19e arrondissement de la capitale où il exerçait la profession de régleur (employé spécialisé dans le réglage des machines). Il est mort lui aussi prématurément, à l'âge de 52 ans.

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(*) Site AJPN.

Autres sources : Mémorial de la Shoah Paris, Archives de la ville de Paris, Archives du Lot, Site ShoahPresquile.