Hélène Mandel

Hélène Mandel à son arrivée en Suisse en avril 1944. ©Archives fédérales suisses.

Hélène Mandel, née le 23 août 1929 à Anvers (Belgique), décédée le le 18 octobre 2021 auxÉtats-Unis.

Sa présence à Espère est mentionnée dans la liste publié par Katy Hazan dans son ouvragé consacré aux maisons de l’OSÉ.

Les informations dont nous disposons sur l’adolescente proviennent pour l’essentiel de son dossier d’immigration conservé par les Archives fédérales suisses. Hélène a passé la frontière le 4 avril 1944 en compagnie d’un groupe d’enfants jusqu’alors pris en charge par le rabbin Schneersohn près de Voiron, en Isère.

Mais avant ce passage, son itinéraire biographique fut tout sauf simple…

Si elle est née à Anvers en 1929, elle quitte la ville belge dès 1933 et suit ses parents qui s’établissent à Linz, en Autriche. Son frère cadet Georg y naît en 1936.

Mais en 1938, le péril nazi se précise. Les familles juives sont ostracisées. Par sécurité, Hélène est envoyée en Belgique. Elle y est accueillie, comme nombre d’autres enfants, dans une institution. Puis survient la guerre et l’invasion allemande au printemps 1940.

Réfugiée en France avec un oncle

En compagnie de son oncle maternel Isidore Lipschitz (auprès duquel son père travailla un temps à Anvers), Hélène gagne la France. Elle se réfugie avec son oncle à Béziers où elle réside au 11 rue Kléber, dans une petite demeure du centre-ville. Cette adresse est mentionnée d’une part sur le carnet de fouille de l’oncle, tailleur de diamant de profession, à son arrivée à Drancy le 6 novembre 1943 et d’autre part sur la carte d’alimentation de l’enfant délivrée en 1941 et qu’elle a conservée à son arrivée en Suisse.

Carte d'alimentation d'Hélène Mandel © Archives fédérales Suisses

Isidore Lipschitz (né en 1899) est déporté à Auschwitz par le convoi 62 en date du 20 novembre 1943 et meurt aussitôt son arrivée. La famille apprendra après la guerre que l'épouse d'Isidore, Jenni (née HaLevi en Ukraine, en 1900) fut également déportée et assassinée à Auschwitz, mais pas depuis la France).

A cette période, à  l'automne 1942,  à l’heureuse initiative de son oncle qui avait pressenti l'étau se resserrer, Hélène a été confiée à une organisation de secours et a rejoint le groupe d’enfants que dirige le rabbin Schneersohn.

A quelle date précisément ? Si elle est bien passée à Espère, ce fut à l’automne 1942, quand le rabbin et les enfants qu’il encadre s’installent à Dému (Gers). Le dernier tampon avec la mention de Béziers, sur la carte, est de juillet 1942.

Une longue attente en Suisse

Puis, on relève un tampon mentionnant la commune de Saint-Etienne-de-Crossey (près de Voiron) le 29 avril 1943. De fait, on sait que le transfert de la colonie du rabbin entre le Gers et l’Isère s’est opéré fin mars 1943.

Une fois « sauvée » et réfugiée en Suisse, Hélène Mandel n’en a pas pour autant fini avec la faculté inouïe des hommes à dresser des murs entre eux et ériger des frontières, ne serait-ce qu’administratives…

Lettre manuscite d'Hélène Mandel à propos de sa nationalité © Archives fédérales suisses

Interrogée par la police puis admise dans différents centres ou camps, un temps considérée comme de nationalité belge, l’adolescente apprend en juin 1944 qu’elle est reconnue de nationalité…. hongroise. On songe dès lors à l’intégrer, la guerre achevée, à un convoi de rapatriement vers ce pays. Mais au final, elle préfère opter pour les États-Unis où son père (professeur de religion de profession quand il était en Europe), Maurice (ou Moritz ou Moshe) Mandel (né en 1903), est parvenu à se réfugier, seul, dès le début de la guerre, via l’Angleterre.

Entre-temps, en revanche, sa mère Gisèle (Gisela) née Lipschitz en 1905, et son frère Georg ont été déportés. La première est déclarée morte à Auschwitz en juillet 1944 (selon une feuille de témoignage déposée à Yad Vashem), le second dès 1942 à Terezin (selon le « Memory Holocaust Victim, Jewish Cemetery, Linz »). Une autre source (les archives de la ville de Linz, en Autriche), notent en revanche que le petit frère est mort à la même date que la maman.

Une nouvelle vie en Amérique

Toujours est-il qu’Hélène patiente jusqu’en 1947 pour émigrer en Amérique, quand bien même son père avait tenté d’accélérer les démarches en transférant des fonds.

Helène peu avant son départ vers les Etats-Unis ©Archives fédérales suisses

Selon les archives de la ville de Linz, encore, Hélène a également bénéficié de l’appui de la HIAS (Hebrew Immigrant Aid Society). Elle revoit ainsi son père pour la première fois depuis neuf ans. Il vit et travaille alors à Scranton, en Pennsylvanie. En 1955, elle épouse l'ingénieur électricien Benjamin Wertenteil. Le couple aura quatre enfants, une fille et trois fils, dont l'un mourut prématurément. La famille est établie à New-York. Son père, qui s’était remarié, décède en 1981.

Sur le plan professionnel, Hélène a enseigné durant quelque temps l’hébreu et le chant à de jeunes enfants, puis a été salariée dans l’entreprise de son époux. Celui-ci décède en 2016. Elle-même s’éteint le 18 octobre 2021 à l’âge de 92 ans. Malgré les épreuves, elle fut toute sa vie d’adulte une femme énergique et positive, selon l’historienne qui a rédigé sa fiche, au service des archives de la ville de Linz.

Sources : Archives fédérales suisses, Mémorial de la Shoah (Paris), Archives de la ville de Linz (Archiv der Stadt Linz), site Geni.